
Située au nord de la zone des crus du Beaujolais, l’AOC Chénas couvre « seulement » 266 hectares de vignes sur deux communes (Chénas et la Chapelle-de-Guinchay), ce qui en fait le plus petit (en surface) des dix crus. Au cours de l’histoire, nombre de grands terroirs du village ont été inclus dans le cru mitoyen Moulin-à-Vent, ne permettant pas à la commune de Chénas de s’enorgueillir de ces nobles origines. Et de fait, ce positionnement a longtemps conduit le cru à être considéré comme le parent pauvre de son illustre voisin. Mais c’était mal connaître la valeur des autres terroirs du village. De même, de notre coté, nous pensions également que le cru manquait cruellement de locomotives lui permettant de mettre en valeur la diversité et noblesse de ses expressions. Mais nous commençons à changer d’avis grâce à la nouvelle génération qui arrive et notamment au travail réalisé par les deux frères Thillardon, que nous avons eu le plaisir de rencontrer pour une visite enthousiasmante.
Le domaine :

Vignes des Blémonts sur sol alluvionnaire.
L’intégralité du vignoble est donc conduite en agriculture biologique (certification AB) et les dernières acquisitions sont systématiquement reconverties, ce qui demande un travail considérable lorsque les vignes ont subi la chimie pendant de longues années. Cette orientation amène quelques-uns de ses collègues à observer son travail avec une certaine circonspection ; en effet, peu de vignes sont actuellement cultivées de cette manière sur l’appellation. Paul-Henri use également de quelques méthodes issues de la biodynamie, utilisant par exemple des décoctions de plantes pour certains traitements (purin d’ortie, prêle, etc.). N’étant pas arrêté sur la question, il observe le comportement de ses vignes pour essayer d’ajuster au mieux ses interventions en fonction de leurs besoins. Les sols sont labourés au tracteur, mais aussi en partie au cheval, un Trait Comtois acquis récemment. Labours, griffages et cavaillons constituent l’essentiel de ces travaux. Comme il se doit, les vignes sont taillées en gobelet. Les densités de plantation sont extrêmement élevées, atteignant 12’000 pieds/hectares sur certains secteurs. Les replantations se font actuellement à l’aide de clones, mais avec l’objectif à moyen terme de se faire uniquement via sélection massale. Paul-Henri considère que de « bonnes » sélections ne peuvent être réalisées qu’en ayant une parfaite connaissance de son matériel végétal dans le temps, permettant de distinguer les ceps les meilleurs et surtout les plus sains.

Granit rose lardé de quartz typique du lieu-dit Chassignol
Vins et terroirs :
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Beaujolais rouge et rosé : les Beaujolais rouge et rosé sont issus des Pierres Dorées, situés donc dans la partie sud du Beaujolais et issus de terrains argilo-calcaires.
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Chénas « Carrières », « Carrières – Origine » et « Blémonts » : ces trois cuvées sont issues d’un terroir situé au nord de l’appellation Chénas (limitrophe du cru Saint-Amour) et travaillé en agriculture biologique depuis cinq ans. Les sols sont constitués d’alluvions fluviaux et d’argiles siliceuses. Le vignoble regarde le sud.
- « Carrières » est la première cuvée, destinée avant tout à livrer un cru assez simple d’expression, sur le fruit et la gourmandise. Elevage court, majoritairement en cuve, puis mise précoce, généralement après Pâques.
- « Carrières – Origine » est issue des mêmes parcelles que « Carrières », mais l’élevage est plus long : réalisé uniquement en fûts, il dure 12 à 18 mois en fonction des millésimes.
- Plus racé, « Blémonts » est issu d’une parcelle de vieilles vignes (60 ans en moyenne). A noter qu’en 2008, en raison des conditions du millésime et des rendements minuscules obtenus après tri, une seule cuvée fut produite. -
Chénas « Les Boccards » : les vignes sont situées sur le lieu-dit les Deschamps, dans la partie sud de l’appellation, et ne sont séparées du cru Moulin-à-Vent que par une route. Les vignes, exploitées en métayage, sont conduites en agriculture biologique depuis une quinzaine d’années. L’actuelle cave de vinification du domaine se trouve à quelques pas de ce vignoble, au château des Boccards. Formant un plateau en pente douce orienté plutôt vers l’est, les sols sont constitués de sables granitiques en surface ; on y distingue toutefois deux sous-types : une partie plantée sur un sol profond et l’autre sur la roche mère, pratiquement affleurante par endroit. Vinifiées séparément, les deux origines sont ensuite assemblées avant l’élevage afin de ne constituer qu’une seule cuvée.
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Chénas « Vibration » : c’est la cuvée « nature » du domaine. Macération très longue de plusieurs mois en fût fermé. Zéro soufre ajouté pendant les vinifications et à la mise. Le 2011 n’a été pressuré que début juin 2012.
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A venir : Chiroubles : 40 ares de vignes plantées en 2010 avec le propriétaire du château des Boccards. Le premier millésime verra le jour en 2012.
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A venir : Chénas « Chassignol » : il s’agit de la dernière acquisition du domaine en 2012. « Chassignol » est un superbe coteau, relativement pentu et exposé au nord-est. Beaucoup de travail devra être réalisé ici car la conduite de la vigne était loin d’être idyllique, mais le potentiel « terroir » est là. En ce début d’année 2012, les sols ont été labourés au cheval. Une première cuvée devrait naître en 2012, mais il possible que Paul-Henri isole « Chassignol » d’une autre partie appelée « Les Brureaux » afin de constituer deux cuvées. A suivre…

Une étiquette résolument sobre et moderne !
Dégustations :
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Chénas « Les Carrières - Origine » :
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Chénas « Vieilles Vignes de Blémonts » :
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Chénas « Les Boccards » :
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Chénas « Vibration » :

Dans les vignes des Boccards, fraichement décavaillonnées.
A l’issu de cette première rencontre (près de cinq heures passées ensemble, tout de même !), il serait bien hasardeux de vouloir décrire avec justesse et exhaustivité la philosophie et le style de ce jeune domaine. Toutefois, il est possible d’en tirer dès à présent quelques enseignements : nous avons rencontré un vigneron extrêmement motivé, passionné, d’une très grande curiosité et - chose essentielle - d’une profonde humilité. Sans flagornerie, on peut dire qu’il possède sans doute déjà un certain sens du vin, car parvenir à produire en aussi peu de temps et avec si peu d’expérience des crus aussi précis, nets et complets, ne relève sans doute pas du hasard. Ses choix de vinification donnent sans doute, pour le moment, un profil un peu plus « pinotant » qu’en vinification beaujolaise traditionnelle, avec cette rondeur et suavité caractéristique ; mais sans perdre pour autant les expressions de gamay sur granit attendues (poivre et fleurs). Il faut toutefois rappeler que le domaine sera sans doute encore amené à évoluer dans le temps. Mais au delà de cela, il parait essentiel que Paul-Henri garde toujours à l’esprit ce qui le caractérise aujourd’hui, c'est-à-dire une volonté d’avancer sans complexes ni dogmes (questionnement sur la viticulture bio et biodynamique, choix dans les vinifications et élevages, etc.) et toujours avec passion. Il portera alors sans doute le cru Chénas au niveau que celui-ci peut largement revendiquer, et atteindra alors le but qu’il s’était fixé en démarrant son activité : mettre à l’honneur le Beaujolais et prouver qu’en tous terroirs de valeur, il est possible de produire des vins dignes de ce nom et surtout d’intérêt. Nous suivrons avec plaisir son parcours et lui souhaitant d’aller ainsi jusqu’au bout de sa démarche et de ses rêves !
Domaine Paul-Henri Thillardon
44, route du Moulin à Vent
71570 Romanèche-Thorins
Tel : 06 07 76 00 91
http://www.paul-henrithillardon.blogspot.com/
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